Une approche d'abord universitaire...

Impossible de parler d'intelligence juridique sans repartir de la première définition qui lui a été donnée, en 2012 déjà, par Bertrand Warusfel. Ce dernier l'entend comme "l’ensemble des techniques et des moyens permettant à un acteur - privé ou public - de connaître l’environnement juridique dont il est tributaire, d’en identifier et d’en anticiper les risques et les opportunités potentielles, d’agir sur son évolution et de disposer des informations et des droits nécessaires pour pouvoir mettre en oeuvre les instruments juridiques aptes à à réaliser ses objectifs stratégiques" (1).

Véronique Chapuis-Thuaut, directrice du programme Intelligence Juridique à l'Ecole de Guerre Economique, ancienne directrice juridique, y voit elle d'abord "une discipline, neuve certes mais réelle et nécessaire", qui suit "les pas de l’Intelligence Economique tout en devant s’enrichir de spécificités propres à la pensée juridique et à l’exercice des métiers du droit" (2). Son Ecole a ainsi créé un cursus spécifique dédié à l'intelligence juridique, faisant le constat que le droit était, de plus en plus, utilisé comme une arme de guerre économique.

Michael Ktitareff remarque dans son article paru dans Forbes (3), que l'initiative n'est pas isolée : la Business School EDHEC a récemment développé un référentiel de 150 compétences clés pour le juriste augmenté (4).

... rapidement appropriée par les professionnels

Donner un cadre théorique à une notion émergente, c'est essentiel. Mais comment cela se concrétise-t-il dans le quotidien des professionnels du droit ?

Tous les auteurs des articles parus récemment se rejoignent sur le même constat :

  • "L’information juridique est partout, il devient nécessaire d’organiser les flux pour accéder rapidement à l’information qui compte", souligne Etienne Jaboeuf, avocat, dans Le Monde du droit (5).
  • "L'analyse juridique telle que les professionnels du droit la connaissent ne fonctionne plus. Elle s'appuie sur des bases documentaires partielles, cloisonnées et dont les interfaces sont très peu intuitives. Ces outils [...] appartiennent à une ère révolue", écrit Rubin Sfadj, avocat dans La Tribune (6).
  • "L'information aujourd'hui bouge en permanence, et de plus en plus vite. Elle est silotée entre différentes sources, différents sites, différentes bases. Il est très difficile pour vous d'avoir une vue complète et à jour de l'information juridique à disposition" complète Guillaume Carrère, CEO de Doctrine.

Face à cela, c'est bien l'intelligence juridique sur laquelle s'appuient avocats et juristes pour naviguer un environnement juridique toujours plus mouvant et compliqué à décrypter.

Rubin Sfadj dans La Tribune, relève qu'"il est plus que jamais nécessaire de centraliser ces informations de différentes natures et de les recouper pour en tirer de la valeur" (6) Les outils d''intelligence juridique se nourrissent ainsi de plusieurs types de données différentes, les organisent, les contextualisent, les mettent en alerte, pour permettre une analyse plus profonde, mais surtout plus solide.

Pour le juriste ou l'avocat, cela implique de conduire systématiquement une analyse à 360°, "adossée non plus seulement aux seules décisions de justice mais à l’ensemble de l’environnement juridique (lois, règlements, commentaires, etc.), qui concerne autant le milieu privé des affaires que les acteurs publics" (3).

L'intelligence juridique acquiert donc une vraie consistance pour les professionnels du droit, qui s'en emparent progressivement dans le but de fournir un conseil ou une solution juridique plus pertinent(e), plus adapté(e) à l'environnement juridique dans lequel ils évoluent.

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L'impact de l'open data judiciaire

Enfin, il aurait été dommage de ne pas évoquer les récentes avancées de l'open data judiciaire. Une actualité justement relevée par Christophe Roquilly dans Atlantico, pour qui il s'agit d'un "apport indéniable"... "mais pas suffisant pour l'intelligence juridique" (7).

Plus de décisions de justice disponibles, c'est mécaniquement plus d'intelligence juridique : les professionnels, équipés d'une plus grande capacité à analyser l'existant, profitent "d'une logique d'aide à la décision en fonction d'un niveau de risque juridique perçu grâce à une photographie dynamique du passé", comme le souligne l'auteur.

Il reste que "l'open data judiciaire ne fait pas tout". D'abord parce qu'accéder à l'exhaustivité de la jurisprudence ne signifie pas la capacité à prédire strictement l'environnement juridique.

Ensuite parce que l'environnement juridique ne se restreint pas à l'environnement judiciaire. Christophe Roquilly, dans Atlantico, relève que l'intelligence juridique en question se nourrit de nombreux types de données différentes : "En externe, les signaux forts ou faibles émanant d’une loi nouvelle ou d’un projet de loi, l’évolution probable ou possible de la soft law, les doctrines des autorités de contrôle, les droits détenus par les concurrents ou partenaires (droit de propriété, droits de propriété intellectuelle, contrats, licences d’exploitation, etc.), sans oublier les ressources juridiques internes détenues par l’entreprise elle-même." (7)

L'émergence des plateformes d'intelligence juridique

C'est là que les plateformes d'intelligence juridique prennent tout leur sens : toute l'information pertinente y est systématiquement centralisée, remise dans son contexte, et mise en alerte.

Guillaume Carrère, CEO de Doctrine, explique : "En garantissant la maîtrise de votre environnement juridique, l'anticipation des risques et opportunités associés, et la capacité d'agir sur son évolution grâce à des instruments juridiques adaptés, la plateforme d'intelligence juridique permet de sécuriser votre analyse juridique."

Tout ça, dans l'intérêt des clients et des entreprises, comme le souligne Rubin Sfadj : "Bâtir une stratégie juridique, c'est mettre en adéquation l'intérêt du client et la réalité du droit positif. Par conséquent, plus les avocats passent de temps à analyser le droit, moins ils en passent à servir l'intérêt des justiciables. Dans cette optique, tous les services qui permettent d'accélérer l'analyse du droit vont dans le sens de l'intérêt des clients. Là réside tout l'intérêt des plateformes d'intelligence juridique."


Chez Doctrine, on s'est tellement intéressés au sujet qu'on a co-organisé plusieurs conférences à l'occasion du Rendez-vous des Transformations du Droit, qui se tenait fin novembre 2021 à Paris.

Avec Etienne Jaboeuf, avocat au barreau de Paris, Véronique Chapuis-Thuaut, directrice du programme Intelligence Juridique à l'Ecole de Guerre Economique, Guillaume Carrère, CEO de Doctrine et Philippe Laurence, responsable des Affaires Publiques, nous avons réfléchi à l'impact de cette nouvelle discipline sur le rôle des avocats et juristes.

C'est l'UGAP au travers de son directeur juridique Olivier Giannoni, qui suite à l'implémentation de notre plateforme d'intelligence juridique, a également fait le constat que son équipe faisaient "des analyses plus poussées, [étayaient] leur raisonnements sur plus de sources, avec des références plus précises."

➡️ Intéressé par cette nouvelle approche du droit ? Curieux de découvrir à quoi ressemble une plateforme d'intelligence juridique ? Apprenez-en plus ici : doctrine.fr/intelligence-juridique

(1) http://www2.droit.parisdescartes.fr/warusfel/articles/IntelligenceJuridique_warusfel2010

(2) https://www.ege.fr/infoguerre/lintelligence-juridique-une-discipline-en-construction

(3) https://www.forbes.fr/business/avec-lavenement-de-lintelligence-juridique-celle-du-juriste-augmente/

(4) https://www.edhec.edu/fr/news/juriste-augmente-les-legal-skills-ne-suffisent-plus

(5) https://www.lemondedudroit.fr/decryptages/77507-intelligence-juridique-droit.html

(6) https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/open-data-pour-une-recherche-juridique-performante-et-desilotee-893792.html

(7) https://atlantico.fr/article/decryptage/l-intelligence-juridique-a-t-elle-besoin-de-l-open-data-judiciaire-justice-calendrier-decision-christophe-roquilly