Le Professeur de droit public à l’Université de Paris-Sorbonne Roseline Letteron aborde l’avenir de l’édition juridique.
Comment Doctrine vous aide dans votre quotidien de professeur ?
Doctrine me permet d’effectuer les mises à jour de mes cours. Je demande également aux étudiants de consulter des références sur Doctrine. Cela leur facilite grandement leurs recherches car ils ne sont pas habitués aux bases de données juridiques traditionnelles qui sont extrêmement complexes. Pour eux, Doctrine est très simple, dès lors qu’ils sont déjà habitués à utiliser les moteurs de recherches.
Comment Doctrine vous aide dans votre veille juridique ?
Dans ma veille, je me sers principalement des réseaux sociaux. Quand je recherche un arrêt récent, je vais immédiatement sur Doctrine car je sais que j’y trouverai les décisions les plus récentes.
Quelles fonctionnalité de Doctrine préférez-vous ?
J’utilise la fonctionnalité Dossier qui me permet de mettre en ordre ma veille. Cela me permet de mettre mes idées au clair. C’est tellement facile de pouvoir effectuer des recherches par mots-clés et de trouver aisément ce que l’on cherche. La colonne de droite avec les décisions similaires et les commentaires est quelque chose de merveilleux. J’aime aussi beaucoup la fonctionnalité frise chronologique du contentieux qui permet de situer les décisions dans le temps.
Votre entourage connaît-il Doctrine ?
C’est amusant, mes collègues les plus jeunes connaissent bien Doctrine alors que les plus âgés ne connaissent pas encore. Ils sont en effet habitués à d’autres outils. Mais ce sont souvent leurs étudiants qui leur font découvrir Doctrine. En général le professeur demande où l’étudiant a trouvé un arrêt, l’étudiant répond qu’il l’a trouvé sur Doctrine et le professeur finit par aller regarder, puis par utiliser Doctrine. C’est vrai que Doctrine est tellement simple que tous les étudiants l’utilisent, même lorsqu’il n’est précisément indiqué parmi les sources documentaires conseillées. Pour ma part, je préfère leur conseiller directement, en raison de sa simplicité. En outre l’offre étudiante leur donne accès à tellement plus de choses que les outils disponibles dans certaines bibliothèques universitaires.
Que pensez-vous du milieu de l’édition juridique ?
À mon sens, c’est un milieu qui souffre d’une trop grande concentration financière. Ils se mènent une guerre féroce, suscitent la concurrence à la fois extérieure et intérieure, et cette guerre se fait au détriment des auteurs et des consommateurs. Les éditeurs juridiques français appartiennent désormais, pour la plupart, à de grands groupes internationaux qui ont des préoccupations immédiates de marché. Cela signifie que l’intérêt doctrinal disparaît souvent derrière des impératifs financiers.
C’est dommage de voir que certaines bases données juridiques sont accessibles uniquement lorsque l’on a un portefeuille fourni ou que l’on fait partie d’un grand cabinet d’avocat. Pour des cabinets plus petits, des avocats isolés, des enseignants ou des étudiants, les sources d’information traditionnelle du droit sont de moins en moins accessibles. Je me réjouis que l’Open Data vienne quelque peu bouleverser le paysage…
Vous avez édité un manuel en ligne : “Libertés Publiques”, pensez-vous que le futur de l’édition juridique sera en ligne ?
Absolument, d’ailleurs les étudiants apprécient beaucoup ce format car ils ont l’habitude de lire sur écran. De plus l’édition juridique en ligne permet d’offrir des ouvrages de qualité à des prix accessibles. Les conditions de vie des étudiants aujourd’hui sont drastiquement différentes d’il y a 10 ans. On ne peut plus demander à un étudiant d’acheter 6 ouvrages par semestre, du moins si l’on considère les prix actuellement pratiqués. Je suis ravie de la réussite de mon ouvrage en ligne qui ne coûte que six euros. Il correspond je pense à un vrai besoin, et il permet de réduire les inégalités entre les étudiants. Certains de mes collègues envisagent également de publier en ligne, et je m’en réjouis. Pour le moment, ce sujet ne semble pas intéresser les éditeurs juridiques qui se contentent de mettre en ligne le ebook de l’ouvrage papier à un prix très élevé. C’est trop cher pour les étudiants et cela ne correspond en rien aux besoins d’actualisation. Avec un ouvrage en ligne, je peux me permettre de sortir une édition annuelle, ce qui est nécessaire au regard de la rapidité d’évolution du droit des libertés, mais ce qui ne serait pas possible avec un éditeur juridique. La potentialité des ouvrages en ligne est formidable et je ne suis pas encore certaine d’avoir su exploiter toutes les ressources d’un tel support.
Vous avez également un blog en ligne, quelle liberté d’écriture avez-vous sur votre blog comparé aux revues traditionnelles comme le AJDA ?
La liberté d’expression est un luxe garanti constitutionnellement. J’écris ce qui me plaît que ce soit dans des revues ou sur mon blog, Liberté Libertés Chéries. Mais sur mon blog, j’ai un vrai sentiment de liberté, et je peux faire preuve d’une vraie réactivité. Dès qu’un arrêt sort, je peux le commenter immédiatement. Je peux être plus spontanée, avoir un style plus décalé et surtout je n’ai aucun délai de publication et c’est un vrai privilège.
Que souhaitez vous à Doctrine ?
Je souhaite à Doctrine beaucoup de succès et une amélioration constante. Doctrine a une extraordinaire avance technologique par rapport aux autres interfaces, avance si évidente qu’elle “ringardise” les autres bases de données de jurisprudence qui semblent désormais complexes et difficiles d’accès. Je souhaite une très longue vie à Doctrine. Je trouve surtout formidable que Doctrine ait mis en place une offre pour les étudiants et je ne doute pas qu’ils continueront à l’utiliser lorsqu’ils auront achevé leurs études. L’avantage de Doctrine finalement, c’est que son équipe est jeune et qu’elle comprend mieux les jeunes.