Responsable Juridique et Data Protection Officer (DPO) chez Doctrine, Hugo Ruggieri est également à l'origine de plusieurs projets de réflexion autour des problématiques liées aux nouvelles technologies, comme le site Aeon, et intervient régulièrement sur ces sujets, comme lors de cette conférence sur les enjeux techniques de sécurité des données personnelles.

Il répond, dans cette interview, aux questions les plus fréquentes des professionnels du droit en matière de protection de leurs données chez Doctrine.

  1. Comment Doctrine collecte les informations sur les avocat(e)s ?

Nous utilisons trois types d’informations pour rendre les Pages des avocats aussi complètes et pertinentes que possible : les coordonnées professionnelles, un panorama du contentieux et des informations connexes que chaque avocat(e) peut fournir directement.

Tout d’abord, les coordonnées professionnelles (nom prénom, toque, adresse d’exercice, barreau, date de prestation de serment) proviennent principalement des annuaires du CNB et du Barreau de Paris et, lorsque l’information est disponible, de la base Sirene. Les annuaires professionnels sont librement réutilisables. L’avocat est en effet un auxiliaire de justice essentiel au bon fonctionnement du service public de la justice, et c’est pourquoi ses coordonnées professionnelles doivent être aisément accessibles pour tous. Cela découle de la loi, mais surtout cette ouverture est considérée comme permettant de créer de nouveaux services et de permettre un “accès simplifié à ces professionnels, qui gagneront pour leur part en visibilité”. Nos algorithmes, comme ceux de toutes solutions de recherche, vérifient régulièrement les dernières mises à jour de ces annuaires afin d’actualiser les Pages des avocats quand cela est nécessaire.

Le panorama du contentieux n’est possible que grâce aux efforts phénoménaux de nos ingénieurs pour faire de Doctrine l’un des leaders de la reconnaissance du langage naturel. Grâce à notre technologie, qui utilise notamment des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning), nous sommes capables de « lire » automatiquement les décisions de justice. Nous appliquons ces techniques à notre fonds de plus de 10 millions de décisions pour reconnaître le nom de l’avocat et extraire des données agrégées. Plus largement, Doctrine est ainsi capable de reconnaître l’avocat dans tous les contenus juridiques repris ou indexés par sa plateforme et à partir de cela, de déterminer, par exemple, les villes, les juridictions ou encore les matières d’exercice de chaque praticien.

Enfin, l’avocat peut compléter lui-même sa Page Doctrine par le biais d’un formulaire à compléter avec des informations détaillées sur sa pratique, des liens vers ses réseaux sociaux ou encore ses honoraires.

" Il faut garder en tête que, sur Doctrine, l’information n’est pas figée dans le marbre. Nous encourageons pleinement les avocats à prendre le contrôle de leur image."

2. Pourquoi les informations sont-elles parfois erronées ?

Les erreurs qu’un avocat peut trouver sur sa Page ont des origines différentes.

Les sources publiques dont nous nous servons peuvent ne pas être mises à jour ou avoir été mal renseignées. Si une source publique comporte une erreur, cette erreur se retrouvera sur Doctrine. Après en avoir été informés par la personne concernée, nous corrigeons bien sûr les informations mais nous nous efforçons surtout de travailler main dans la main avec les avocats, l’INSEE et les instances elles-mêmes pour être sûrs que leurs données sont à jour, notamment en informant les avocats de la provenance de l’erreur et sur la façon de procéder pour qu’elle soit rectifiée à la source.

L’erreur peut également venir de nos traitements algorithmiques. Le plus fréquent est le défaut d’identification d’un avocat dans une décision de justice : malgré la très haute performance de nos algorithmes, il arrive que Doctrine rattache un avocat à une décision dans laquelle il n’est pas intervenu. La plupart de ces erreurs sont dues à des homonymies difficiles à détecter ou à la structure même des décisions de justice. Par exemple, les juridictions administratives ne citent que le nom de famille de l’avocat. Là encore, notre but est aligné avec celui des avocats : nous assurer que la Page soit à jour, pertinente et exacte. C’est pourquoi nous corrigeons sur simple notification toute erreur de ce type : grâce à un fort investissement dans des outils de correction automatique, les cas les plus simples sont généralement réglés en moins de 48h. Les cas plus complexes qui requièrent l’intervention d’un ingénieur sont également traités extrêmement rapidement, car ils sont traités de manière prioritaire par rapport aux autres tâches.

Enfin, une erreur plus rare est la mauvaise qualification de la décision elle-même : il arrive que nos algorithmes se trompent dans l’appréciation du domaine de droit, de la juridiction ou de la ville d’une décision, ce qui se répercute sur la Page Avocat. Là encore, nous œuvrons dans les plus brefs délais pour rectifier toute erreur dont nous prenons connaissance.

" Chaque erreur nous permet par ailleurs d’apprendre et de nous améliorer, notamment en ré-entraînant constamment nos algorithmes pour les perfectionner."

Il arrive parfois que la Page Avocat ne soit pas erronée, et qu’au contraire elle soit tellement pertinente qu’elle rappelle à l’avocat des souvenirs ! J’ai ainsi déjà eu l’occasion d’échanger avec un avocat initialement mécontent de sa Page car elle lui semblait inexacte, notamment en ce qui concernait les villes dans lesquelles il avait exercé. Après vérification de nos informations, en prenant le temps d’étudier chaque décision, nous étions convaincus du bien-fondé de la Page : l’avocat s’est alors souvenu de vieux dossiers qui avaient effectivement été plaidés dans une autre ville que celle de son barreau !

Je tiens à souligner qu’il faut faire la différence entre une Page incomplète et une Page erronée. Les Pages incomplètes ne sont pas pour autant erronées : l’information que l’on divulgue reste véridique et, le plus souvent, représentative de l’activité de l’avocat, comme un sondage est représentatif à partir d’un échantillon de la population concernée. Il faut surtout noter que les erreurs comme la non-exhaustivité de l’information sont dues avant tout aux difficultés que nous avons à accéder aux décisions de justice. Bien que la loi prévoit leur mise à disposition en open data. , l’accès aux décisions demeure très difficile,même lorsqu’il s’agit de demandes isolées. La mise en oeuvre effective de l’open data résoudra les problèmes d’exhaustivité, mais aussi d’exactitude puisque la mise à disposition des informations réduira considérablement les traitements susceptibles de causer des erreurs.

3. Comment assurer l’impartialité absolue de la donnée ?

S’il est impossible d’assurer une impartialité absolue, Doctrine apporte plusieurs garanties à ce sujet.

Le premier choix que nous faisons chez Doctrine est celui de nous cantonner à la publication d’informations aisément vérifiables via un calcul mathématique et objectif.

Par exemple, contrairement à une idée reçue, vous ne voyez pas apparaître les termes “victoire” ou “défaite” sur Doctrine car aucune de ces notions n’est objectivement vérifiable : notre algorithme ne préjuge jamais de qui a perdu qui a gagné car c’est une donnée subjective et complexe, qui dépend du contexte du dossier et de la relation avec le client. Néanmoins, si l’avocat a plaidé quinze fois au TGI de Paris, l’algorithme le saura.

" Notre vision est de proposer un panorama de l’activité contentieuse de l’avocat. Jamais de le juger en tant que praticien."

Nous sommes très sensibles aux retours utilisateurs sur ce sujet et nous avons même fait évoluer nos graphiques avec le temps : nous avons par exemple supprimé un graphique de « contentieux par année » qui était susceptible de donner une image erronée de l’activité des avocats. En particulier, il désavantageait de manière injuste les avocates en congé maternité qui avaient, de fait, moins de décisions pendant la période concernée.

" De manière générale, nous nous efforçons de ne pas intégrer de données qui, tout en étant dépourvues d’intérêt juridique, pourraient être préjudiciables à l’avocat."

4. Quelles sont les bases légales de publication des Pages Avocats ?

De nombreux textes légitiment les traitements que nous effectuons. Vous pouvez les trouver dans notre Politique des Données Personnelles.

Il s’agit notamment du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui consacre non seulement la protection des données personnelles, mais aussi la libre circulation de ces données. En quelques mots, il faut noter que nous sommes extrêmement attachés à la sécurité de nos traitements et que nous répondons à toutes les demandes d’exercice de droits qui nous sont adressées dans les plus brefs délais et dans un esprit de coopération. Pour rappel, vous pouvez exercer vos droits sur vos données personnelles par email à dpo@doctrine.fr.

Nous nous appuyons également sur les textes consacrant la publicité et le droit de réutiliser des informations que nous reprenons, qu’il s’agisse des annuaires publics ou des décisions de justice.

Enfin, notre activité répond à plusieurs libertés fondamentales consacrées par les plus hautes conventions et juridictions européennes, notamment la liberté d’expression et sa composante du droit d’accès à l’information et la liberté d’entreprendre.

5. Quel est le processus de rectification des Pages avocats ?

Toujours animés par notre souci de pertinence et d’exactitude, nous avons mis en place plusieurs outils de rectification des Pages.

En premier lieu, chaque avocat peut vérifier sa Page afin d’en obtenir le contrôle et d’ajouter ou de rectifier des informations. Cette procédure requiert la création d’un compte d’essai gratuit et sans engagement et la vérification de l’identité de l’avocat (donnée non conservée), aux seules fins d’éviter l’usurpation d’identité et d’assurer que seul l’avocat concerné pourra modifier sa propre Page.

Dans ce cas, plusieurs formulaires sont proposés pour rectifier d’éventuelles erreurs comme un formulaire permettant d’envoyer une décision en cas de défaut d’exhaustivité ou encore un formulaire permettant de signaler une erreur de rattachement erroné d’une décision à un domaine de droit ou à une juridiction. Surtout, l’avocat peut modifier le texte de présentation de la Page, qui est celui repris par Google, et ajouter des détails sur son activité.

Si l’avocat n’a pas encore vérifié sa Page, il peut me contacter directement à l’adresse suivante dpo@doctrine.fr afin de m’envoyer sa demande que je traiterai dans les plus brefs délais.

Dans les cas les plus complexes, je travaille en lien avec les ingénieurs de Doctrine pour extraire l’ensemble des données de l’avocat, les analyser et nous assurer que les données en base correspondent à ce qui est affiché sur la Page. Je suis alors en mesure d’échanger avec l’avocat et d’effectuer, si nécessaire, les ajustements pour que la Page corresponde à son activité.

Chez Doctrine, notre priorité est d’instaurer un véritable dialogue avec l’avocat afin d’améliorer la pertinence de l’information. Parce que la transparence de la justice fait partie de nos valeurs, nous portons une attention toute particulière à la véracité et la pertinence de l’information.

6. Quels sont selon vous les principaux bénéfices des Pages Avocats Doctrine ?

Sur un marché très concurrentiel dans lequel les justiciables se renseignent de plus en plus sur Google, les sujets de visibilité et de référencement sont fréquents au sein de la profession d’avocat. Dans un sondage que nous avons réalisé au printemps dernier avec l’Ifop, 58% des avocats estimaient que leur visibilité en ligne en tant que professionnel du droit n’est pas satisfaisante, en particulier les jeunes avocats.

" La Page Avocat de Doctrine constitue une information objective diffusée par un tiers qui constitue un excellent complément à la communication personnelle de l’avocat."

Dans une société où la notation se développe à grands pas, Doctrine se démarque en apportant une une approche objective et quantifiée de l’activité de l’avocat. Cela permet de donner des renseignements complémentaires à ce que l’avocat publie sur son compte dans le cadre de ses autres supports de communication.

Les Pages Avocats permettent donc de valoriser l’expertise de l’avocat auprès de nouveaux clients en s’adaptant aux nouvelles méthodes de recherche en ligne.