L'intelligence juridique vue par... Bérénice de Warren, associée du cabinet Maisonneuve
L’intelligence juridique fait de plus en plus parler d'elle. Colloques, articles de presse, tribunes, voire même formations dédiées (à l'instar de l'Ecole de Droit d'Intelligence Juridique ou encore de l'Ecole de Guerre Economique). Tout le monde en parle.
Mais sa définition reste floue. Les interprétations divergent.
Et si on allait demander à ceux qui la pratiquent au quotidien ?
Avocats, juristes, dans quelle mesure cette nouvelle approche du droit influe-t-elle sur leurs manières de travailler ? Qu'est-ce que cela change ? Est-ce vraiment si nouveau ? Pourquoi en parle-t-on aujourd'hui, alors que ses principes semblent parfois tomber sous le sens ?
Si vous êtes ici aujourd'hui, c'est certainement que vous vous êtes, vous aussi, posé ces questions.
Nous avons donc proposé à plusieurs professionnels du droit de nous donner leur vision de ce qu'est l'intelligence juridique.
Qu'est ce que cela signifie dans leur(s) domaine(s) de droit ? Quel(s) impact sur leur cabinet ou leur entreprise ? Leurs clients ? Comment cela se concrétise-t-il dans leur quotidien d'avocat ou de juriste ?
Notre troisième invitée à s'exprimer sur le sujet de l'intelligence juridique, c'est Bérénice de Warren, associée du cabinet Maisonneuve, spécialiste en droit pénal des affaires.
Au micro de Doctrine, elle nous donne sa version des faits et nous explique ce qui rend cette nouvelle approche du droit particulièrement nécessaire dans sa matière.
Découvrez le troisième épisode de notre série de portraits dédiée à l'intelligence juridique, Les Experts !
L'essence même du métier d'avocat
L'intelligence juridique, c'est mon métier, la base de notre travail. C'est réfléchir avec le droit, le pousser et aller au delà pour pouvoir l'adapter au contexte, à un dossier ou à une personne.
L'intelligence juridique, c'est le fait de ne pas uniquement arriver à avoir une réponse juridique, mais aussi de pouvoir la contextualiser, d'aller plus loin que la première idée.
Cette approche du droit n'est pas nouvelle, mais elle fait de plus en plus parler d'elle car elle se développe, au travers de plateformes intelligentes, pour permettre à l'avocat de mieux effectuer son métier. La finalité est la même : gagner, convaincre. Mais on y arrive avec un gain de temps, un gain d'énergie et des perspectives d'approfondissement bien plus importantes.
L'intelligence juridique appliquée au droit pénal des affaires
Dans mon coeur de métier, le droit pénal des affaires, l'intelligence juridique est un outil fondamental.
Mais cela reste et restera toujours un outil, car je dois dépasser la règle juridique pour penser le dossier, le contexte général de l'affaire, et pour penser la suite.
Dans ma spécialité, nous traitons des dossiers importants, avec des questions juridiques bien sûr, mais aussi des questions d'actualité, des questions politiques, des questions médiatiques très importantes. Et toutes ces questions viennent s'entrechoquer dans un même dossier.
La base de notre raisonnement va être de regarder aujourd'hui quel est l'état du droit et de la société sur un point précis, le point du dossier. C'est là que l'intelligence juridique peut permettre des découvertes, des sujets qu'on n'avait pas appréhendé pas ou qu'on ne nous connaissions pas. On peut connaître le principe juridique fondamental, mais pas forcément toutes ses exceptions, ni toutes les déclinaisons d'applications de ce principe. Cela exige d'y passer beaucoup trop de temps, et de brasser un volume de données ingérable pour un humain.
C'est à ce moment là que l'intelligence juridique va aider le travail de l'avocat, par la richesse de l'information apportée et sa contextualisation, en apportant des pistes de réflexion supplémentaires par rapport aux premières pensées.
Une fois l'analyse et la réflexion juridique prises en compte, nous devons déjà penser à la stratégie politique, à la stratégie médiatique, et au contexte dans lequel intervient ce dossier, dans la société. En ce sens, l'intelligence juridique apporte une sécurité et une base à la réflexion, mais on doit de facto la dépasser pour réfléchir aux conséquences que cela va avoir dans la société et vis-à-vis du tribunal qui va découvrir ce dossier.
L'intelligence juridique, en 3 mots ?
Une exigence renforcée
L'intelligence juridique a un impact parce qu'elle renforce l'exigence que l'on a vis-à-vis de son travail, vis-à-vis de sa pensée. C'est-à-dire que l'on peut partir du principe que toutes les personnes qui ont accès à ces plateformes intelligentes ont la même information, à un moment T. Mais pour faire la différence ou alors pour convaincre un juge d'aller dans un sens ou dans un autre, il faut avoir quelque chose en plus. L'intelligence juridique amène donc à se dépasser, car votre objectif en tant qu'avocat n'est pas uniquement de refléter la situation de la société et du droit à un moment donné. Par exemple, le juge, sans autres cas de jurisprudence similaires, condamnera directement. Votre objectif, bien plus que cela, c'est d'amener le juge à vous écouter, à dépasser ce qui pourrait être une première réflexion, pour penser le dossier autrement.
L'avènement de l'intelligence juridique est donc extrêmement challengeant et positif. Cela renforce mécaniquement l'exigence que tout bon professionnel du droit a vis-à-vis de sa réflexion juridique et de sa pratique. Cela crée un challenge entre avocats et magistrats, et c'est d'autant plus le cas dans cette petite niche qu'est le droit pénal des affaires : on va chercher à voir qui sera le plus fin juriste, qui aura la pensée juridique la plus aboutie pour convaincre.
Vis-à-vis de mes clients, l'impact est très positif. La mise en oeuvre de l'intelligence juridique leur permet d'être certain que l'avocat sera allé au bout de la défense. Ils ont la garantie qu'ils ont été écoutés, que la réponse fournie est fondée, qu'il y a eu un réel débat sur les questions de fond du dossier et qu'il n'y aura pas d'erreurs de droit. Cela évite beaucoup de quiproquos, malentendus ou sentiment d'incompréhension.
A propos de Doctrine
Chez Doctrine, nous travaillons depuis 2016 à rendre le droit plus accessible et plus actionnable pour les professionnels du droit. A ce titre, nous réfléchissons beaucoup aux contours de l'intelligence juridique et à la manière dont cette notion, parfois abstraite, peut s'incarner au travers d'outils.
C'est en ce sens que nous avons développé la 1re plateforme d'intelligence juridique, qui permet à nos clients avocats et juristes de mieux maîtriser leur environnement juridique, de sécuriser leurs positions et d'anticiper les risques et opportunités associés. Cela est rendu possible au travers de 4 piliers :
- La centralisation : face à l'information silotée, rendre accessible toute la connaissance disponible depuis un seul endroit.
- La contextualisation : face à l'information isolée, relier tous les contenus pertinents entre eux afin d'enrichir la réflexion juridique.
- La mise en alerte : face à l'information mouvante, rester alerté sur l'intégralité de son environnement juridique.
- L'automatisation : face à l'information partout, vérifier l'applicabilité et la fiabilité dans n'importe quel document juridique.