319.

C’est le nombre d’articles de loi en vigueur qui sont visés par des modifications du projet de loi de finances pour 2024, dans sa version au dépôt.

Pour vos dossiers, c’est un risque énorme.

Vous ne pouvez pas attendre la promulgation de la loi pour savoir qu’un article que vous utilisez en base légale va bouger. Et peu d’entre vous peuvent se permettre de passer du temps à consolider à la main.

Chez Doctrine, notre mission est d’apporter à tous nos clients professionnels du droit la garantie d’un maximum de sécurité juridique.

Nous nous sommes donc naturellement penchés sur ce sujet pour comprendre comment les aider à anticiper l’éventualité d’un changement de la loi en vigueur.

Un problème, un nouveau challenge pour Doctrine.

Mettons que vous travaillez sur l’article L213-14 du Code de l’environnement.

Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que le législateur est actuellement, dans l’hémicycle, en train de discuter d’évolutions pour cet article.

Aujourd’hui, il est très compliqué de savoir avant la promulgation d’une loi comment celle-ci va impacter des articles en vigueur.

Cela implique soit beaucoup de veille, soit beaucoup de recherches, soit beaucoup de temps passé, soit beaucoup de collaborateurs dédiés (rayer la mention inutile).

Et si je vous disais que vous pouviez savoir à la consultation de l’article, pendant l’examen du PLF 2024, qu’une nouvelle version risquait d’entrer prochainement en vigueur ?

Chez Doctrine, on s’est dit que ce serait non seulement un bon challenge technique à relever, mais surtout que cela apporterait beaucoup de valeur ajoutée pour nos utilisateurs.

Comment automatiser la consolidation avant la promulgation d’une loi, pour permettre aux professionnels du droit d’anticiper le futur cadre réglementaire ?”

Vous avez 4h. Ou vous pouvez lire notre article sur le sujet 🤓

Les aléas de la consolidation de la loi

Le Conseil d’Etat en parle depuis longtemps déjà, avec cette formule désormais célèbre issue d’une étude parue en 1991 : “Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite”. Oui, le droit est complexe, et cette complexité ne fait que s’accentuer avec les années.

Au-delà du nombre de textes en explosion, ce sont les normes elles-mêmes qui se trouvent de plus en plus fréquemment modifiées.

Et qui dit modification, dit consolidation.

💡
Qu’est ce que la consolidation ? Selon une définition apportée par la Direction de l’Information légale et administrative dans ce document de septembre 2013, la consolidation “consiste en un regroupement structuré de données, intégrant dans un texte existant les modifications qui lui sont apportées par un nouveau texte”.

Chez Doctrine, nous avons regardé de très, très près le processus de consolidation, en particulier sur le projet de loi de finances annuel et avons constaté plusieurs difficultés à cet égard. Les voilà détaillées ci-dessous 👇

Un large éventail de modifications

Les modifications apportées par le PLF sont de nature très variées. Cela peut aller de la substitution de quelques mots, ou d’un montant, à l’insertion d’une section complète du code général des impôts (comme par exemple le fait l’article 4 du PLF 2024 au dépôt), ou l’abrogation d’un article entier.

Des articles longs et denses

Les articles du PLF sont souvent illisibles, de par leur longueur et leur densité. En témoigne l’article 7 du PLF 2024 au dépôt : il fait plus de 6 000 mots, soit environ 9 pages en format PDF.

Un article du projet de loi, des modifications dans plusieurs textes différents.

Un seul article du PLF modifie généralement plusieurs autres articles, comme l’article 2 du PLF 2024 qui modifie les articles 196 B, 197 et 204 H du code général des impôts. Cela rajoute une couche de complexité, car il s’agit de comprendre quel paragraphe du PLF modifie quel article, dans quel texte.

Un article en vigueur, des modifications issues de différents articles.

A l’inverse, l’article 1600 du Code général des impôts est modifié par deux articles différents issus du PLF 2024 au dépôt. Chacun de ces 2 articles du PLF vont faire des modifications qu’il est important de consolider de manière séquentielle.

L’intelligence artificielle générative et la consolidation, quel rapport ?

Chez Doctrine, nous sommes convaincus que l’intelligence artificielle est incontournable pour organiser toute l’information juridique et la rendre exploitable pour tous les professionnels du droit.

C’est notre métier depuis 2016 que de centraliser, contextualiser et mettre en alerte toute l’information disponible.

Depuis quelques mois, nous avons assisté à un nouveau bouleversement : celui de l’intelligence artificielle générative. En reproduisant la capacité cognitive humaine, ces modèles sont désormais capables de créer du texte, des images, des vidéos et ou même de la musique.

Une idée a alors germé dans notre esprit (enfin, dans celui de notre équipe d’ingénieurs 💡).

Et pourquoi pas mettre en oeuvre l’intelligence artificielle générative au service des avocats et juristes, sur le cas très précis de la consolidation de la loi ?

Serait-il possible de générer automatiquement les articles modifiés par un projet ou une proposition de loi en discussion, et ce avant même sa promulgation et sa consolidation officielle ?

Comment automatiser la consolidation de la loi ?

On a donc fait l’expérience en mettant nos meilleurs ingénieurs sur le coup. On vous détaille ici notre recette 🍝

Pour réaliser un bon plat, vous aurez d’abord besoin de bons ingrédients.

Dans notre cas, les ingrédients sont les données. Grâce à notre Legal Graph, nous avons rassemblé quelques 5 000 exemples de consolidation, issus des 20 dernières années et stockés dans notre base de données. Nous avons filtré ces exemples pour ne garder que ceux de très bonne qualité (soit environ 2 000 cas), cela afin de garantir la pertinence de nos modèles.

Chacun de ces exemples consistait donc en :

  • un article impacté (l’article en vigueur)
  • un article modificateur (l’article du PLF)
  • et un article modifié (l’article tel qu’il serait si l’article modificateur était promulgué en l’état).

Ensuite, il nous faut un bon cuisinier.

Le cuisinier dans notre cas, c’est ce qu’on appelle un modèle génératif. De quoi parle-t-on exactement ? Il s’agit d’un gros modèle d’intelligence artificielle entraîné sur le web, qui est capable de comprendre la langue française et ses subtilités. Vous connaissez certainement ChatGPT. Mais ce n’est qu’un exemple de modèle génératif parmi tant d’autres.

Enfin, il faut que notre cuistot apprenne la recette, et la répète plusieurs fois.

Cela consiste simplement à entraîner notre modèle génératif à générer des articles consolidés, en se basant sur les 2 000 exemples mentionnés plus haut. Nous utilisons une version du modèle génératif à 13 milliards de paramètres, ce qui correspond à un bon compromis entre une compréhension fine de la langue française par le modèle et une bonne vélocité d’entraînement. A titre de comparaison, en avril 2023, ChatGPT comptait pas moins de 175 milliards de paramètres, tandis que le cerveau humain dispose de 85 milliards de neurones, composés chacun de 7000 synapses. A la fin de ce processus de plusieurs heures, le modèle est prêt à consolider, a priori, n’importe quel texte.

Appliquons cette recette sur le projet de loi de finances pour 2024.

Maintenant qu’on a un bon modèle génératif taillé pour la consolidation, on souhaite qu’il consolide le projet de loi de finances pour 2024. Et là encore, il y a quelques étapes clefs avant de réussir.

Tout d’abord, nous isolons chaque article du PLF, et nous les découpons en paragraphes (comme on l’a vu, les articles peuvent être extrêmement longs : il s’agit ici de faciliter la tâche du modèle). Par exemple sur le PLF 2024 au dépôt, l’article 7 a été découpé en plus de 100 paragraphes. Cela permet au modèle génératif de réaliser successivement des modifications courtes, plutôt que l’ensemble des modifications d’un article très long en une fois.

Ensuite, il faut associer chaque paragraphe de chaque article du PLF aux articles qu’il vise à modifier, en utilisant nos algorithmes développés en interne chez Doctrine. Cette étape nécessite de l’intelligence artificielle de pointe, bien entraînée.

Enfin, maintenant que nous disposons d’articles du PLF découpés en paragraphes et des articles impactés par le PLF, notre modèle génératif décrit plus haut entre en action pour appliquer les modifications induites par les paragraphes du PLF sur les articles impactés. On génère ainsi automatiquement les articles consolidés, tels qu’ils existeraient si le texte était promulgué en l’état.

La dernière étape de ce processus consiste bien entendu à vérifier les cas de consolidation. Les modèles génératifs ne sont pas infaillibles, loin de là, et pour assurer la meilleure sécurité juridique à nos clients dans la manière de présenter l’information juridique, nous nous devons d’assurer une phase de validation finale pour contrôler nous-mêmes la cohérence de la consolidation réalisée automatiquement.

Voilà à quoi ressemble sur Doctrine la prévisualisation d’une évolution d’un article en vigueur (voir ici)
Et voilà le résultat ! (voir ici)
💡
A noter ! La consolidation automatique est effectuée par Doctrine sur des versions de textes arrêtées, c'est-à-dire à chaque étape de la navette parlementaire. Nous ne consolidons pas d'amendements. 

Et après ?

Sur le PLF 2024, nous sommes fiers d’afficher 319 articles impactés et consolidés grâce à l’intelligence artificielle générative. Cela signifie que nos clients sont en mesure, à la consultation d’un article de loi en vigueur, d’identifier le risque d’une évolution future dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances 2024.

Après plusieurs mois de travail, il nous aura fallu seulement 3 jours ouvrés entre l’acquisition du texte du projet de loi de finances, et l’affichage sur notre outil de la consolidation sur Doctrine.

Nous voulons continuer d’itérer sur le PLF 2024 pour simplifier l’accès aux articles consolidés, tout en gardant un processus le plus automatique possible. Il reste encore beaucoup de progrès à faire, notamment pour pouvoir gérer automatiquement la création de nouveaux articles.

La suite de ce projet de consolidation automatique reste encore à écrire. Les pistes sont nombreuses : des textes jamais consolidés par l’administration (comme les conventions collectives ou les conventions fiscales), à ceux consolidés avec un délai si long qu’il complique leur application (comme les textes européens)… De nombreuses opportunités s’ouvrent pour Doctrine. Dans un premier temps, nous gardons en tête la possibilité de consolider les projets et propositions de lois pour 2024. Affaire à suivre !