"Revenez au texte", "remontez à la source"... vous avez peut-être encore le souvenir de vos professeurs de droit vous serinant sur ce sujet.
Vous le savez autant que nous, une recherche juridique inclut nécessairement une analyse approfondie des différentes sources de droit. Et la loi bien souvent, en tant que source directe, est un passage obligé.
Loi, jurisprudence, doctrine... si ces sources de droit sont souvent représentées de façon hiérarchique à la manière de la pyramide de Kelsen, chez Doctrine nous aimons nous les représenter davantage sous forme de cercle. Pourquoi ? Car cela illustre bien à quel point ces sources s'articulent et s'enrichissent les unes et les autres.
Et quand la loi n'est pas claire ?
Mais pourtant, il subsiste un angle mort à cette approche. Et pas des moindres ! Parce que la loi regorge de principes généraux, et que l'inflation législative affecte aussi la qualité de la rédaction, une interprétation plus poussée est souvent nécessaire.
Mais que faire quand les autres branches du triangle évoqué plus haut ne suffisent pas :
- Quand la jurisprudence et/ou la doctrine manquent.
- Quand les interprétations jurisprudentielles divergent ou ne vont pas dans votre sens.
- Quand vous êtes tout simplement à court d'arguments.
C’est là qu’entrent en scène les documents parlementaires.
Nous travaillons à rendre ces contenus plus accessibles, plus simplement : rendez-vous sur cette page pour découvrir la recherche dans les documents parlementaires comme vous ne l'avez jamais vue.
Tour d'horizon des documents parlementaires
Vous ne trouverez leur définition dans aucun dictionnaire juridique. Et pourtant, ils sont les supports de la fabrication de la loi et sont de facto souvent indispensables pour éclairer l'intention du législateur.
S'il s'agit d'un panel de contenus très large, quid de leurs point communs ?
- Ils suivent les différentes étapes de la procédure législative et précèdent la promulgation d'une loi.
- Ils résultent du travail approfondi d'analyse des parlementaires, du gouvernement, du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat.
Parce que la loi est surtout l'aboutissement d'une longue discussion entre de nombreuses parties prenantes, il est essentiel de comprendre sa logique interne. Et parce que les documents parlementaires contiennent les explications de la volonté initiale et des choix du législateur, ils sont essentiels à l'interprétation de la loi et de son "esprit".
Dans cet article, nous passerons en revue ce que cette notion recouvre, pour mieux comprendre leur intérêt pour vous, professionnels du droit.
Ces documents, comme leur nom l'indique, proviennent d'abord en grande partie des assemblées (Assemblée nationale et Sénat).
Les amendements
Les amendements ont pour objectif de supprimer, compléter, modifier tout ou une partie des dispositions du texte soumis au Sénat ou à l'Assemblée nationale. Très largement utilisés, il s'agit d'un outil privilégié des parlementaires pour exercer le pouvoir législatif.
Sur la session 2020-2021, plus de 22 000 amendements en séance publique ont été déposés. Seuls 8% d'entre eux ont été finalement adoptés. Un volume d'informations énorme dans lequel il faut pouvoir rechercher efficacement.
Plus de détails 👉🏼 ici 👈🏼 et un exemple d'amendement ici.
Les rapports
Ces documents de travail sont produits après avoir auditionné spécialistes, organisations syndicales, représentants de la société civile etc. concernés par la loi, et après concertations avec les autres parlementaires en réunion de commission.
Les Commissions sont les organes du Parlement en charge de préparer la discussion en séance publique de la loi (projet ou proposition). Il peut s'agir d'une commission spéciale, établie à l'occasion de l'examen d'un texte, ou d'une commission permanente.
Rédigés par le rapporteur, les rapports sont présentés à la commission en question en vue d'être adopté.
Les débats
Les comptes-rendus des débats en séance publique et en commission retranscrivent méticuleusement les délibérations tenues par les parlementaires. Ils sont souvent une mine d'or pour comprendre les positions des différentes parties prenantes et éclairer les dispositions discutées puis votées.
Le gouvernement n'est pas en reste, étant à l'initiative des projets de loi. Lui aussi peut publier des documents explicitant son intention initiale.
Les études d'impact
Elles accompagnent les projets de loi transmis au Parlement. Réalisées sous la responsabilité du ministre qui aura présenté la loi, les études d'impact ont pour objectif d'estimer les impacts économiques, financiers, environnementaux, sociaux du projet de loi en question. Pour faire simple, elles visent à évaluer si le projet mérite d'être concrétisé ou non.
Cela permet donc :
- À l'initiateur du projet de détecter en amont des pistes d'amélioration,
- Au décideur final d'avoir toutes les cartes en main pour se prononcer sur le texte de manière éclairée.
Depuis 2008, elles sont désormais constitutionnelles et considérées comme une condition obligatoire à la présentation d'un projet de loi au Parlement.
📖 Un exemple d'étude d'impact ici.
Enfin, d'autres organes sont susceptibles d'être impliqués dans l'élaboration de la loi et de produire des contenus en mesure de l'éclairer.
Les avis
Le Conseil d'Etat, en tant que conseiller des pouvoirs publics pour la préparation de la loi, est consulté à plusieurs titres :
- De manière obligatoire pour les projets de loi, avant adoption par le Conseil des ministres et leur dépôt devant le Parlement
- De manière facultative pour les propositions de loi, et ce depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, par le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat.
Le Conseil d'Etat émet alors des avis, qui portent sur la forme des textes, leur régularité juridique, et leur opportunité (non politique) mais administrative.
Les décisions du Conseil Constitutionnel
En tant que gardien des droits et libertés fondamentales, le Conseil Constitutionnel peut être saisi pour vérifier si les dispositions de la loi sont conformes à la Constitution. Si lors de sa création, seules quatre autorités pouvait le saisir, ce droit a été étendu à 60 parlementaires (députés ou sénateurs), pour permettre à n'importe quelle minorité politique au Parlement d'exiger le contrôle constitutionnel d'une loi.
Il peut être exercé a priori (avant promulgation) comme a posteriori (par un citoyen français, via le Conseil d'Etat ou la Cour de Cassation).
Au prochain épisode
Une mine d'or sous-exploitée.
Maintenant que nous avons fait le tour de ce que sont les documents parlementaires, rendez-vous la semaine prochaine pour mieux comprendre ce qui fait de leur recherche un vrai casse-tête.