Avocate aux barreaux de Paris et de Madrid, Maître Rachel Lindon a prêté serment en 2006 avant d’être élue, secrétaire de la conférence des avocats du Barreau de Paris.
Inscrite sur la liste des conseils de la Cour Pénale Internationale et du Tribunal Spécial pour le Liban, elle s’est également chargée de défendre les victimes du génocide des Tutsi devant les instances nationales et engagé des poursuites devant les instances régionales de droits de l’homme.
Lassée de la misogynie ambiante, elle co-créé en 2012 avec Julia Minkowski, consœur également pénaliste, le Club des femmes pénalistes.
Elle raconte, dans cet entretien pour Doctrine, la place précieuse que les femmes se sont déjà faites dans les prétoires, mais dont elles doivent cependant encore faire la promotion.
Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre expertise ?
Avocate en droit pénal et droit pénal international, j’ai prêté serment en 2006 avant d’être élue, secrétaire de la conférence des avocats du Barreau de Paris. Je suis intervenue à ce titre dans de nombreuses procédures criminelles.
La Conférence permettant de traiter dès son début de carrière et à titre personnel de nombreux dossiers, il m’était difficile de gérer à la fois ces derniers et ceux du cabinet dans lequel j’exerçais. J’ai donc monté mon propre cabinet en 2009, me suis associée en 2011 avec d’autres confrères, pour finalement créer Lindon & Rohan-Chabot avocats, avec mon excellente associée Capucine de Rohan-Chabot, en 2017, où je développe une activité de conseil et contentieux en droit pénal, droit pénal international, et droit pénal des affaires principalement.
Pourquoi avoir créé le Club des femmes pénalistes ?
Tout est parti d’une discussion avec ma consœur Julia Minkowski sur la déclaration d’un avocat bordelais quant à la candidature d'une femme comme bâtonnier. Il avait lancé à cette occasion qu'une "femme bâtonnier c'est comme une femme pénaliste, ça ne s'est jamais vu. Une femme n'a tout simplement pas les épaules."
Ces propos, très banalisés dans le milieu, nous ont encouragées à publier une tribune intitulée "Une femme avocate pénaliste ça n'existe pas ? Et pourquoi pas !" à la suite de laquelle l'association est née.
Parce que ces préjugés machistes sont une vraie réalité “chuchotée sur les bancs des salles d’audience” ou à peine sous-entendus par les médias - la preuve étant cette photo des “ténors du barreau” dans Paris Match en 2010, dans laquelle une seule femme était présente - nous voulions créer un réseau de femmes avocates en droit pénal. L’objectif était de mettre en place une véritable solidarité entre nous, et mettre fin à la propre autocensure des femmes.
Vous êtes ancienne Secrétaire de la Conférence, est-ce que cela change quelque chose d’être une femme lorsque l’on plaide ? Est-on perçue autrement ?
A chaque avocat sa façon de plaider ! Chaque avocat plaide inévitablement en fonction de ce qu’il est : c’est donc forcément aussi en tant que femme que je plaide.
Néanmoins, ma conviction est que la robe que nous portons lorsque nous plaidons est un symbole très fort de l’égalité entre tous les avocats, dans le prétoire.
Toutes spécialités confondues, on voit assez peu de femmes associées en cabinet, à quoi cela est dû sachant que vous avez vous-même décidé de créer votre cabinet ?
Il y a eu très clairement un problème de sous-représentation des femmes associées dans les cabinets, elles demeuraient les éternelles collaboratrices. Cependant, cela change clairement.
Il n’en demeure pas moins que la médiatisation des avocates par rapport à leurs confrères hommes est toujours moindre, et qu’il s’agit à elles aussi de ne plus souffrir du syndrôme de l’imposteur.
Quelles sont les grandes difficultés rencontrées aujourd’hui par un avocat qui exerce dans votre matière, le droit pénal international ?
Nos confrères anglo-saxons occupent plus le terrain des dossiers devant les tribunaux internationaux, notamment parce qu’il est difficile de conserver une pratique nationale, et donc son cabinet et sa clientèle, et de suivre ces procès, qui durent souvent plusieurs années, dans d’autres contrées, ce que eux ont choisi de faire.
J’ai la chance d’avoir réussi à trouver un équilibre en conservant la majorité de mon activité en France, tout en traitant de dossiers dits internationaux, tels que, entre autres, des plaintes devant la Cour Ouest africaine des droits de l’homme, des saisines des Groupes de travail de l’ONU (notamment sur la détention arbitraire des prisonniers politiques catalans).
Je travaille également, en France, sur des dossiers d’extradition, sur la question du génocide des Tutsi ou sur des plaintes pour crimes contre l’humanité ou tortures.
Comment voyez-vous le lien entre démocratie et défense pénale aujourd’hui ?
Les deux sont intrinsèquement liés : il n’y a pas de démocratie sans défense pénale et il n’y a pas de défense pénale sans démocratie.
Pour ma part, je crois encore aux droits de la défense, même si ceux-ci s’amenuisent de plus en plus, du fait de lois liberticides d’exception.
A légiférer sous le coup de l’émotion, ou juger sous le coup de la peur ou la pression sociétale, nous courrons à la catastrophe.